Se reconnecter aux autres: sortir de l’isolement

On parle de plus en plus de solitude, et ce n’est pas un hasard. Dans les dernières années, plusieurs études ont mis en lumière une réalité préoccupante: le sentiment de solitude est en hausse dans presque toutes les tranches d’âge.

Une enquête, menée par Statistique Canada en 2021, a révélé que plus d’une personne sur 10, âgée de 15 ans et plus, se sent toujours ou souvent seule. Chez les jeunes de 15 à 24 ans, il s’agit de près d’une personne sur 4. Une autre étude, menée par la Fondation de France en 2023, a dévoilé des résultats similaires. Plus d’un Français sur 10 se trouve en situation d’isolement total, et une personne interrogée sur 5 se sent régulièrement seule.

Ce ne sont pas que des chiffres. Ce sont des gens qui se sentent oubliés, invisibles, déconnectés. Et souvent, ils n’en parlent à personne…

Il y a plusieurs facteurs qui expliquent cette montée du sentiment de solitude. Le premier, c’est la transformation de nos modes de vie. Nous vivons de plus en plus seuls, nous travaillons souvent à distance, et la mobilité géographique nous éloigne de nos repères relationnels.

Les réseaux sociaux, qui promettaient de nous rapprocher, nourrissent parfois l’illusion du lien. On interagit, mais on se confie peu. Il y a aussi la fatigue émotionnelle. Après des années de pandémie, d’écrans et de distanciation, beaucoup de personnes ont perdu l’habitude d’aller vers les autres. 

Plus on s’isole, plus le repli devient une zone de confort. Pour certains, le simple fait de socialiser demande un effort considérable. Leur sociabilité s’est affaiblie, leur monde intérieur s’est refermé, et sortir de chez soi leur semble plus épuisant que bénéfique.

D’autres, au contraire, souhaiteraient créer du lien, mais n’ont tout simplement personne vers qui se tourner. Parfois à cause de la distance, parfois par manque d’occasions, ou parce qu’ils ne trouvent pas de personnes réceptives à la profondeur qu’ils recherchent.

La solitude a des répercussions profondes sur la santé mentale. Les individus qui se sentent isolés sont plus susceptibles de développer des troubles tels que l’anxiété, la dépression et, dans les cas les plus graves, des pensées suicidaires.

Parmi les Français qui déclarent se sentir régulièrement seuls, la moitié estime en souffrir et 82% ont déjà vécu des troubles psychiques liés à la solitude au cours de leur vie [1]. Par exemple: pleurer (41%), subir des troubles du sommeil (43%), vivre des périodes intenses de stress, de nervosité ou d’anxiété (40%), être touché par la dépression (25%), présenter des troubles de la libido (18%) ou des pensées suicidaires (14%).

L’Organisation mondiale de la santé considère désormais la solitude comme une menace urgente pour la santé publique à l’échelle mondiale. Le chirurgien général des États-Unis a même comparé ses effets sur la mortalité à ceux de la consommation de 15 cigarettes par jour. 

En effet, la solitude ne touche pas seulement la santé mentale. Ses effets sur la santé physique sont tout aussi préoccupants. Elle est liée à une augmentation des risques d’hypertension artérielle, de maladie coronarienne, d’accident vasculaire cérébral (AVC), de déficience fonctionnelle et de mortalité cardiovasculaire [2]. Chez les personnes âgées, elle entraîne une hausse de 45% du risque de décès. 

La solitude augmente également les risques de démence. Selon Namrata Bagaria, médecin, diplômée en santé publique de Harvard et doctorante à l’Université d’Ottawa, des recherches récentes montrent que «les deux principaux prédicteurs de la démence ne sont pas biologiques, mais relationnels: ce sont l’isolement social et la solitude.».

Ces chiffres illustrent l’ampleur du problème et la nécessité de créer du lien pour notre santé physique et mentale.

Sortir de l’isolement demande de l’initiative et de la bienveillance envers soi-même. Il n’y a pas de solution unique, mais de petits gestes sont possibles pour commencer à retisser des liens:

Faites le premier pas, même si cela vous place dans une position vulnérable. Envoyez un message, proposez un appel, relancez une invitation. N’attendez pas que ce soit l’autre qui vienne vers vous. Parfois, c’est vous qui devez assumer la responsabilité de réactiver un lien mis en pause.

Créez de la continuité: partagez une photo, un souvenir, une pensée. Ces petites attentions entretiennent le lien et rappellent à l’autre qu’il compte.

Acceptez que les réponses ne soient pas toujours immédiates ou réciproques. Ce n’est pas forcément un rejet. Il peut y avoir des moments où vous donnez un peu plus. C’est parfois juste la vie qui fait en sorte que la personne est plus occupée. Cela ne signifie pas nécessairement qu’elle ne tient pas à vous.

Si vous sentez que vos cercles sont limités, explorez d’autres espaces sociaux. Le bénévolat, les groupes de marche, les activités sportives ou artistiques sont d’excellents moyens de rencontrer des gens dans un cadre structuré, sans pression. Ces contextes permettent de créer du lien de façon progressive, autour d’intérêts partagés, sans avoir à forcer la conversation.

Et surtout, changez vos croyances. Cessez de croire que les autres doivent deviner vos besoins. Cessez de remettre toute la responsabilité du lien sur l’autre. C’est vous qui vous sentez seul, et c’est donc votre responsabilité de remédier à votre solitude. 

Maintenant que vous comprenez l’importance des liens sociaux et que vous êtes conscient de votre part de responsabilité pour sortir de votre isolement, quelle est la prochaine étape? Quel est votre plan pour créer du lien? Quelles actions mettrez-vous en place dès aujourd’hui?